"Les Flibustiers" propose un regard déconcertant sur les malades mentaux en propulsant le spectateur au coeur d'un hôpital psychiatrique, dans un pavillon peuplé d'êtres où il s'avère difficile de distinguer les malades des non-malades.
Si la pièce est nourrie en situations humoristiques et en rebondissements qui lui donnent sa dimension de spectacle, elle propose cependant des personnages qui ne présentent pas les caractéristiques attendues lorsque l'on pense aux malades mentaux (bave aux lèvres, yeux exorbités, propos paroxystiques...). Comme beaucoup de malades mentaux, les flibustiers nous ressemblent. Même si le vecteur principal de la pièce est l'histoire (le délire ?) de l'un des personnages, ce dernier reste cohérent et structuré. Et le spectateur peut légitimement douter de ses troubles mentaux.
"Les Flibustiers" ne s'intéresse qu'à un aspect particulier de la maladie mentale, en excluant les maladies de naissance (idiotie, imbécillité, autisme...). Les malades qui peuplent la pièce appartiennent à cette catégorie de malades dont on peut s'étonner parfois qu'ils soient enfermés, tant ils paraissent ordinaires.
Hors le temps qui passe, les événements (les non-événements) auxquels va assister le spectateur ne mériteraient pas d'être consignés dans un quelconque rapport médical tant ils font partie de l'ordinaire d'un hôpital psychiatrique. Pris un par un, les malades du pavillon sont plutôt tristes et sans relief particulier. Ce n'est que dans le groupe - par le groupe - qu'ils prennent une consistance et deviennent les acteurs d'une tranche de vie dramatique et bouffonne qui soulève des questions - philosophiques, sociologiques, psychanalytiques... - auxquelles la pièce n'apporte pas toujours une réponse, l'intérêt résidant plus dans le questionnement et le doute que dans la certitude et la vérité. Dans une fin de siècle qui estampille du label de vérité sa littérature de supermarché, sa production filmique et télévisuelle (c'est forcément bien parce que c'est tiré d'une "histoire vraie"...), à l'unisson de Guido, nous hurlons : "On s'en fout de la vérité !".
Patrick Pognant (mars 1997)