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Arts littéraires, arts cliniques
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Ce
qu'un homme a fait de sa maladie,
aucune pièce anatomique ne peut nous l'apprendre.
J. Starobinski
Les littératures et la médecine sont depuis toujours
concernées par le langage, l'usage des mots, la langue
et la parole. Si la médecine était une science exacte
on pourrait mieux comprendre la relative rupture depuis le moment
copernicien entre les deux ordres du discours : le langage scientifique
et le langage poétique ; mais il n'en est rien. La médecine
cette somme évolutive de sciences appliquées selon
l'expression de Canguilhem, est un art qui demande un certain
savoir commun augmenté d'un style propre au médecin
qui l'exerce. Certes la médecine est dominée par
un savoir agir (alors que la littérature est un savoir
dire) mais le médecin ne peut exclure de sa réflexion
pratique l'histoire de ses patients, le roman que chacun porte
en lui et qui module sa manière d'être malade ou
non. Un savoir d'un autre ordre que celui d'une lecture médicale
du corps, mais qui est devenu, surtout depuis le XIXe siècle
l'impensé de la médecine. Impensé qui doit
cependant être considéré pour sa richesse
et sa capacité d'instruire le médecin sur l'autre
comme sur lui-même. La médecine, exercée alors
sous cet angle plus ouvert peut accueillir la surprise, et participe
de la découverte de soi comme l'expérience, l'épreuve
de la lecture littéraire dont on sort parfois bouleversé.
Il se trouve que depuis la chronicisation des maladies graves
les usagers de la médecine, (surtout depuis 1980 avec le
mouvement impulsé par les associations de patients atteints
par le VIH) expriment plus librement leur demande de dialogue
(au sens de conversation) avec le médecin. On peut alors
parler d'un nouveau partage du sensible, selon l'expression de
Rancière, ou encore un désir de rééquilibrer
les relations de pouvoir. Il ne s'agit pas que d'une vulgarisation
des savoirs médicaux, mais bien souvent de partager des
récits et donc de les écouter et d'y répondre.
Encore faut-il selon les contextes et les horizons d'attente,
faire la part entre les récits autobiographiques spontanés
et les récits induits ou contraints dits autobiographies
d'institution (D. Memmi, 2003 ; G. Le Blanc, 2006 ; C. Salmon,
2007) .
L'écrivain pèse ses mots, il est supposé
en connaître le sens, aussi bien le sens commun du dictionnaire,
que la multiplicité de sens, la polyphonie et la force
désirante que chaque mot lié à d'autres recèle
dans l'acte d'énonciation. Il le sait. Les mots agissent
comme des médicaments, ils sont bifrons, ils ont le pouvoir
quasi magique de blesser et/ou de guérir. Le médecin,
depuis le triomphe d'un certain positivisme scientifique excessif
tend à imposer unilatéralement son discours dans
la confusion de son pouvoir de commandement et de son pouvoir
de compétence. Il a oublié d'apprendre à
écouter et à peser ses mots c'est-à-dire
les choisir en accord avec ce qu'il veut dire, et anticiper sur
leur résonance chez l'autre en situation de conversation
inter-individuelle.
Cette journée d'étude s'inscrit dans la suite directe
des journées du colloque " Peser les mots I"
d'avril 2007. Toutefois, comme en témoigne le programme
ci-dessous, les interventions seront à peu près
également partagées entre des réflexions
sur l'univers médical, soit du côté de la
maladie vécue (A. Matalon ; V. Gault ; A. Bergeron) ou
imaginée (V. Simon), soit du côté des chercheurs
qui exercent dans le champ du discours médical ou médico-scientifique
(G. Commault ; S. Fainzang ; L. Benaroyo).
G. Danou
Médecin praticien hospitalier,
dr. ès lettres,
habilité à diriger des recherches (littérature
et médecine).
g.danou@free.fr
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