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Gilles MAURICE
Les couleurs du noir
Repères biographiques
(1967-2018)
1991, le jour de son mariage (détail) / Droits réservés.
Gilles Maurice est le dédicataire de
deux ouvrages de Patrick Albert Pognant : René Crevel – À poumons perdus 2025
et Cris sans thème (1965-1993), anthologie inédite de textes divers
dont on peut lire des extraits en ligne .
Gilles
Maurice naît à Dijon (Côtes-d’Or) le 24 juin 1967.
Son enfance se déroule normalement.
Vers l'âge de 4 ans. Droits réservés.
En août
1980, lors d’un séjour en colonie de vacances en Allemagne, suite à une
blessure à la tête occasionnée pendant qu’il jouait avec ses camarades, il
reçoit trois points de suture. A priori, il n’y a pas eu d’investigation
neurologique. Son cerveau aurait-il été endommagé à ce moment-là, source
possible de dépression ? En effet, Gilles Maurice va traîner toute sa vie
une dépression que lui-même fait remonter à son enfance sans jamais en avoir
découvert l’origine.
Sa scolarité
se passe plutôt bien jusqu’à ses seize ans. Mais l’un de ses proches amis est
atteint d’un grave cancer létal, ce qui déstabilise beaucoup Gilles. Il est
alors déprimé et commence à s’adonner déraisonnablement à l’alcool,
indissociable à ses yeux à la condition de poète à laquelle il aspire comme on
peut le lire dans ses textes de 84-85.
D’après
Gilles lui-même, il aurait commencé à consommer de l’alcool vers l’âge de
quinze ans. Hors les nombreuses cures de désintoxication toujours interrompues
avant leur terme, il ne cessera jamais de boire jusqu’à la fin.
1984-1985, Gilles est scolarisé au lycée de Morlaix (Finistère), ville où il passe son bac B (sciences-éco) qu’il obtient (sans mention).
1986. Octobre. Inscrit en première
année de licence de droit à Paris 5 (Malakoff). Le droit ne le passionnera pas
longtemps et il s’inscrira en philosophie. À la rentrée universitaire de 1986,
ses parents lui louent une chambre dans le VIe arrondissement, dans
le haut de la rue de Tournon, tout près du Sénat.
Début 1987,
il rencontre Patrick Albert Pognant (qui habitait alors rue Monsieur le Prince,
à dix minutes de chez lui), de quinze ans son aîné : naît alors une amitié
qui perdurera jusqu’à la mort de Gilles.
À peu près à la même époque, Gilles rencontre Nadia Stefanelli, de six ans son aînée : ils tombent très amoureux l’un de l’autre. Malgré une relation difficile essentiellement due aux problèmes de dépression et d’alcool de Gilles, le jeune homme réside de plus en plus chez Nadia. Le 24 juin 1987, le jour de ses vingt ans, il fait une tentative de suicide au gaz. Il entend bien le chuintement du gaz qui s’échappe mais il ne ressent rien. Il trouve que le temps pris par la mort à venir est bien long et, réflexe de gros fumeur, il allume une cigarette, ce qui provoque une explosion. L’appartement est très endommagé et Gilles transporté à l’hôpital Cochin avec un diagnostic de « brûlures au deuxième degré profond » (le visage et les avant-bras ayant été principalement touchés).
Gilles Maurice en 1987 -
Capture d'un film vidéo
de Patrick Albert Pognant (c) 1987
Pour la
rentrée universitaire d’octobre 1987, Gilles descend s’installer à Castres
(Tarn) où son père vient d’être nommé sous-préfet. Nadia va le rejoindre et le
couple s’installe à Toulouse.
Le 5 mars
1988, c’est le tragique décès de Jean-Luc Maurice, ce père adoré. Gilles ne se
remettra jamais de cette mort. Il continuera de parler de son père dans ses
écrits, des années après son décès. Dans les mois qui suivent, il se laissera
aller et augmentera ses beuveries.
En 1988, il
effectue un voyage en Italie avec Nadia d’où elle est originaire. Gilles en Italie. Photo de Nadia Stefanelli (c) 1988
En 1989, le
couple revient s’installer à Paris. Suite à une crise de ménage, Gilles part
tout seul en Espagne sur un coup de tête. Il en tirera un projet littéraire, Espagne,
qu’il ne conduira pas à son terme (mais dont on peut lire des extraits dans Les
couleurs du noir).
En 1988 ou 1989, il effectue un séjour à l’hôpital pour des raisons inconnues (possiblement une rixe dans un bar si l’on en croit les textes de l’auteur). Le couple voyage et en 1991, ils se rendent au Maroc (Gilles s’y rend pour la première fois).
De 1989 à
1991, Gilles exerce des fonctions intermittentes d’animateur en Bibliothèques
jeunesse à la Ville de Paris, dans le cadre du plan Paris-Lecture. Il
bénéficiera par la suite de divers contrats d’animateur de Centres de loisirs à
la Mairie de Paris jusqu’en juin 1997 (entre autres, il assurera la
surveillance des interclasses dans divers établissements scolaires).
1991,
nouveau séjour à l’hôpital.
Nadia et
Gilles se marient le 1er février 1992. Théo ne le sait pas mais il
est en gestation dans le ventre de sa maman. Gilles me demande à Patrick Albert
Pognant d’être son témoin.
Nadia et Gilles le jour de leur mariage, 1992
Droits réservés
De cette
union naîtra Théo le 6 juillet 1992 ; il verra naître sa petite sœur,
Liza, le 15 septembre 1998.
Les frasques
de Gilles s’accommodent mal avec la vie d’un homme marié, de surcroît père de
famille. Malgré les scènes, Nadia, amoureuse, finit toujours par pardonner.
En 1992,
Gilles a un accident de voiture lors d’une démarche suicidaire au cours de
laquelle il voulait se jeter avec la voiture de Nadia du haut des falaises
d’Étretat (Seine-Maritime). Sans doute trop alcoolisé, il n’atteindra pas
Étretat et, après que la voiture a fait plusieurs tonneaux, un peu amoché, il
prend la place du passager en disant aux gendarmes que le conducteur a pris la
fuite...
Fin 1992, il
effectue une cure de désintoxication en milieu hospitalier.
Les
relations sont très tendues dans le couple (vers 95-96), Gilles va jusqu’à
envoyer une lettre de rupture à sa femme.
De mai 1995
à mars 1996, on retrouve Gilles, VRP exclusif pour une société d’articles de
papeterie.
De 1997 à
1999, il occupe des jobs de maquettiste (il avait suivi deux stages de PAO).
La naissance
de Liza le 15 septembre 1998, contrariera les espoirs d’une stabilisation de
Gilles (et, partant, du couple). En effet, il est suivi médicalement pour ses
problèmes d’alcoolisme et de dépression mais son attitude est de plus en plus
insupportable pour sa femme et ses enfants. Toutes les cures et traitements
médicamenteux échouent
Pendant
quatre mois, au début des années 2000, le couple fait une pause et Gilles
emménage tout seul dans un studio. Mais il finit par rentrer au bercail.
De mars 2001
à février 2003, il occupe divers jobs (crêpier sur les marchés, maquettiste
PAO, puis pendant une année, il prend la gérance d’une épicerie fine). Il
s’inscrit à Pôle Emploi le 3 juin 2003. Mais les crises sont de plus en plus
fréquentes dans le couple et Nadia, pour se préserver et préserver l’équilibre
de ses enfants, demande à Gilles de quitter le domicile conjugal.
En 2004, le
couple se sépare « de corps et de bien », prélude à un divorce qui
sera prononcé le 6 décembre 2004. Au fond de lui, Gilles n’acceptera jamais
cette séparation qu’il vit comme une blessure narcissique qui saignera
jusqu’à la fin de ses jours.
Déprimé, il
fait un séjour à l’hôpital Beaujon de la fin décembre 2004 au début janvier
2005.
Gilles
s’installe à Montrouge en 2004 dans le logement au-dessus de la librairie Paragraphe
dont il devient le gérant. Gilles dans sa librairie Paragraphe. Photo de P. A. Pognant (c) 2004
La librairie ne sera pas toujours ouverte tôt le
matin, comme il se doit, pour que les gens partant au travail puissent acheter
leur journal...
Durant cette
année 2004, Gilles fait la rencontre d’une cliente de la librairie, V***, alors
âgée de plus de 80 ans, avec qui il vivra une sorte d’amitié amoureuse. Elle
est la personne à qui Gilles écrira le plus.
Toujours en
2004, Gilles effectue un second voyage au Maroc, au cours duquel il se
« fiance » avec une jeune autochtone, Nora.
Juste après
l’hospitalisation à Beaujon, il effectue un séjour à l’hôpital Louis Mourier (à
Colombes, Hauts-de-Seine) du 4 janvier au 17 janvier 2005.
En
juillet-août 2005, il subit une nouvelle cure de désintoxication. En août 2005,
il est amené à l’hôpital de Chambéry où, compte tenu de son agitation, on lui
pose des contentions. Mais il réussira à s’évader pour se réfugier au monastère
des Clarisses à Grenoble (Isère).
Il arrive
(complètement ivre) le 8 septembre 2005, à l’abbaye de Landévennec pour faire
une retraite.
Le 30
octobre 2005, il est transporté en ambulance depuis Montrouge aux urgences de
l’hôpital Saint-Joseph (Paris XVe).
En juillet 2006, il s’achète un accordéon. Mais Gilles n’a jamais approfondi ses pratiques musicales : piano, guitare, accordéon. De son propre aveu, il n’avait pas l’oreille musicale. Il avait offert sa guitare (vers 1987-1988) à son ami Patrick car il ne parvenait pas à en jouer correctement.
Début
octobre de la même année, la Commission de validation des acquis lui permet de
s’inscrire en troisième année de licence de philosophie. Ce n’est que le 11
décembre 2009 que lui sera délivré son DEUG de philo pour l’année universitaire
2006-2007.
Après la
liquidation judiciaire de la librairie de Montrouge, Gilles emménage en 2005 à
Paris, dans le 15e, rue d’Alleray.
N’ayant plus
les repères rassurants du cadre familial, commence alors pour Gilles une vie
décousue, avec des excès alcooliques, bien qu’il soit sous psychotropes déjà
depuis des années. Il y a aussi ses errances nocturnes (il adorait marcher la
nuit) avec souvent de mauvaises rencontres (outre de se faire voler, il a subi
des violences et au moins une fois de graves sévices). Toutefois, il ne se
désocialise pas (même s’il fait le vide autour de lui) et continue d’écrire, de
faire des rencontres, et d’essayer de monter des projets artistiques.
Le 19 juin
2006, il subit des soins infirmiers à l’hôpital Saint-Antoine (Paris 12e).
Le 28
octobre 2008, alors que, en état d’ivresse, il se trouve aux urgences de
l’hôpital Saint-Joseph, Gilles menace avec un couteau (arme de catégorie 6)
deux infirmières. Il est arrêté et conduit sous escorte deux jours plus tard en
comparution immédiate devant le Tribunal correctionnel de Paris (23e
chambre). Il est condamné à six mois de prison avec sursis et une mise à
l’épreuve de deux ans (très contraignante car s’il déroge aux obligations, il
est incarcéré et son sursis est annulé). Il n’y aura pas de mention au casier
judicaire si la mise à l’épreuve se déroule correctement. Gilles s’y soumettra
rigoureusement.
Le 9 mars
2009, il fait une chute et se fracture le crâne.
Le 14 avril
2009, il dépose plainte pour vol sans préjudice corporel : la veille, à
22h30, rue Brancion (75015), à proximité de chez lui, il s’est fait agresser et
dépouiller de son portefeuille.
Suite à un
rendez-vous médical à l’hôpital Sainte-Anne, de nouvelles ordonnances lui sont
délivrées.
Le 16 juin
2009, il est transporté aux urgences de Saint-Anne où il subit une IRM
cervicale. Mais il signe à 20h46 un refus de soins.
Le 22 mars
2010, il arrive aux urgences de l’hôpital Saint-Joseph d’où il ressortira le
lendemain à 10h34. Extrait du rapport : « Après une ivresse
pathologique, a mis le feu à son lit en s’endormant avec une cigarette
allumée. »
Le 7 janvier
2011, Gilles est amené par les pompiers aux urgences de Saint-Joseph à 20h33.
Le rapport indique « Plaie au visage, blessure au crâne, détresse
psychologique, nez gonflé + sang, plaie occipitale ».
Il se
retrouve à nouveau aux urgences de l’hôpital Saint-Joseph moins de quatre mois
plus tard, le 11 juillet. Il signe un refus de soins pour rentrer chez lui.
Le 29
juillet 2013, il entre à l’Hôpital général de l’Yonne pour une cure de
désintoxication suivie, du 5 août au 5 octobre, d’une postcure au Centre
Armançon à Migennes (89400) : s’il a bien suivi la cure jusqu’à son terme
(l’unique fois !), il n’achèvera pas la postcure et s’échappera dans des
conditions rocambolesques (après avoir voulu jeter dans la rivière le directeur
du centre !).
Avec son
accord, Gilles est placé sous curatelle par le Juge des tutelles le 7 novembre
2013 (Tribunal d’instance), ce qui sera un soulagement pour sa mère qui n’aura
plus à gérer les papiers et l’argent de son fils. Mais il continuera de la
harceler...
À la suite
des déprédations importantes de l’appartement de la rue d’Alleray, des retards
de loyer et des plaintes du voisinage (son logement était devenu un taudis,
très sale), Gilles Maurice se retrouve à la rue courant 2012. Il avait acquis
une tente et campait, avec d’autres SDF, rue Émile Richard (rue qui traverse le
cimetière Montparnasse, dans le 14e).
Après de
nombreuses démarches, sa mère obtint en 2013 la location d’une chambre dans un
hôtel garni de la rue Viala, dans le 15e, non loin de son propre
domicile.
La santé de
Gilles se dégrade et il est hospitalisé plusieurs fois. Le curateur ne lui
accorde que cinquante euros par semaine. Gilles ira très consciencieusement
chercher son obole tous les mardis matin dans une banque près de la gare du
Nord (pour lui au bout du monde). La modicité de ses revenus l’amène souvent à
faire les poubelles des immeubles chics pour y dégotter des bouteilles de vin
non terminées, et ramasser quelques mégots. Il lui arrive de faire la manche.
Grâce aux soutiens d’associations caritatives, il réussit à se nourrir.
Tout son argent passe dans les cigarettes et dans l’alcool.
En 2017, il
va très mal, tant sur les plans physique que psychique.
Sa mère
décède le 31 mars 2017, un an jour pour jour avant Gilles. Il se rendra à
l’inhumation mais dans un tel état qu’il faut le sortir de l’église au début de
la cérémonie et le reconduire rue Viala. Gilles est profondément affecté par le
départ de sa mère qui s’était tant occupée de lui.
Dans une
association caritative, il rencontre Caroline, une femme d’origine vietnamienne
souffrant d’un handicap psychologique, chez qui il dort de temps en temps. Mais
il boit beaucoup et il lui rend la vie infernale car il ne part plus de chez
elle.
En rentrant de faire des courses, le 31 octobre 2018, dans l’après-midi vers 16 heures, Caroline le trouve mort, par terre, sur le pavé de la cuisine. L’autopsie conclura à un arrêt cardiaque. Il avait cinquante-et-un ans, l’âge auquel était mort Verlaine, qu’il appelait son frère.
P. A. P.,
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Message à P. A. Pognant