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"Il ne peut donc pas être
jaloux de ma muse. Et si je suis son meilleur ami comme il le
dit, il ne peut souhaiter que mon bonheur. La conclusion tourne
à mon désavantage : Frantiseck pense sincèrement
que mon texte est mauvais... Mais non, c'est impossible ! Sorti
brutalement de son sommeil, il n'a su en apprécier le raffinement,
voilà l'explication !
De retour dans le salon, il relit son poème et ne
le trouve pas si mauvais. Décidément, il ne comprend
pas la réaction de Frantiseck. Par prudence, il décide
de ne pas l'envoyer et le détruit. Il ne peut pas se permettre
de passer pour un pitre aux yeux de celle qu'il veut séduire
comme jamais aucun homme ne l'a séduite ! Et pour une femme,
quoi de plus inattendu de la part d'un homme que l'envoi d'un
poème? Mais pas n'importe quel poème...
Un poème brut, loin du protocole littéraire
et de ses uniformes obligés que sont les sonnets et autres
quatrains. Un poème viril, sans les fanfreluches des rimes
riches, pauvres, masculines, féminines... Un poème
nu, sans la soie de la prosodie pour vêtir de luxe les vers
parfaits. Un poème libre, sans les menottes de la métrique.
Un poème sauvage, avec des pieds de biche pour forcer l'imaginaire
et courir dans ses forêts, loin des salons où se
prélassent les alexandrins onduleux et leurs hémistiches
plumeux, ceux qu'ils ont l'art de se planter juste au milieu...
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