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Sans réponse à ces
questions, je penche pour l'hypothèse qu'il s'agit bien
d'un carnet de campagne, rédigé par un soldat, le
chasseur Guilbert, en 1918.
A partir de là, il n'y a que deux possibilités
pour dater la rédaction du carnet :
- soit au moment de la démobilisation ou lors d'un
long moment de répit (ainsi que je l'ai proposé
à la fin de la p.3),
- soit au moment de sa permission de dix jours, quand il
quitte Lachelle le 27 mai 1918. Par prudence, il aurait pu alors
laisser son texte en lieu sûr avant de repartir sur le front.
Le fait que le titre ne comporte pas l'année 1918
peut laisser imaginer qu'il a commencé la rédaction
en 1917 et que, compte tenu de la précipitation des événements
en 1918 (le carnet s'arrête en mai, en pleine offensive
de l'Aisne, avant la deuxième bataille de la Marne et la
grande bataille de France), il n'a pu prendre de notes.
Le retour à la vie civile a fait du carnet une relique
oubliée jusqu'à ce jour.
Quel que soit le moment de rédaction du carnet,
on peut avoir la certitude que mon grand-père a pris des
notes pendant toute la guerre et que le carnet en est la compilation.
Il me paraît en effet impossible qu'il ait pu se rappeler
avec une telle précision tant de dates et tant de lieux...
Il reste une dernière question à poser. Dans
quel but mon ancêtre a-t-il écrit ce carnet ? Il
a voulu témoigner, certes. Mais auprès de qui ?
Ou était-ce une façon d'exorciser cette guerre,
de la sortir de lui, de pouvoir comprendre comment il avait passé
quatre ans de sa vie. Il dut vouloir également donner une
justification et une utilité aux précieuses notes
qu'il avait prises pendant des années. En fin de compte,
il est évident que j'ai la réponse : sa motivation
première avait été de dédier son travail
à la postérité et il se trouve que j'en suis
l'heureux et l'embarrassé dépositaire !
Une carte postale accompagne le carnet : au recto, la photo
du peloton auquel appartenait mon grand-père, au verso,
un texte (pour ses parents) que je reproduis plus loin car il
éclaire le contenu du carnet. Je destine avant tout ce
fascicule à ma famille. N'étant ni militaire, ni
historien, je ne sais si le carnet et sa photo représentent
un intérêt documentaire. Dans la positive, en accord
avec ma famille, je suis disposé à en faire la donation.
Quel que soit le futur destin de ce carnet, je tiens à
rendre hommage au soldat Charles Guilbert et à le remercier
de l'avoir rédigé. Je serais heureux qu'un organisme
soit intéressé par ce texte : d'une certaine manière,
ce serait une belle récompense pour ton minutieux travail,
n'est-ce pas cher grand-père ?
Patrick Pognant
Paris, le 9/10/1993
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