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Un programme en format PDF est disponible sur le
site de l'UCP :
http://www.u-cergy.fr/article9518.html
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On
se lit à travers les livres,
soit pour se découvrir, soit pour se contrôler.
Romain Rolland (L'éclair
de Spinoza)
Les littératures et la médecine sont depuis toujours
concernées par le langage, l'usage des mots, la langue
et la parole. Si la médecine était une science exacte,
on pourrait mieux comprendre la relative rupture depuis le moment
copernicien entre les deux ordres du discours : le langage scientifique
et le langage poétique ; mais il n'en est rien. La médecine,
cette somme évolutive de sciences appliquées
selon l'expression de Canguilhem, est un art qui demande un certain
savoir commun augmenté d'un style propre au médecin
qui l'exerce. Certes la médecine est dominée par
un savoir agir (alors que la littérature est un savoir
dire) mais le médecin ne peut exclure de sa réflexion
pratique l'histoire de ses patients, le roman que chacun porte
en lui et qui module sa manière d'être, malade ou
non. Un savoir d'un autre ordre que celui d'une lecture médicale
du corps, mais qui est devenu, surtout depuis le XIXe siècle
l'impensé de la médecine. Impensé qui doit
cependant être considéré pour sa richesse
et sa capacité d'instruire le médecin sur l'autre
comme sur lui-même. La médecine, exercée alors
sous cet angle plus ouvert peut accueillir la surprise,
et participe de la découverte de soi comme l'expérience,
l'épreuve de la lecture littéraire dont on sort
parfois bouleversé.
Il se trouve que depuis la chronicisation des maladies graves,
les usagers de la médecine (surtout depuis 1980 avec le
mouvement impulsé par les associations de patients atteints
par le VIH) expriment plus librement leur demande de dialogue
(au sens de conversation) avec le médecin. On peut alors
parler d'un nouveau partage du sensible, selon l'expression
de Rancière, ou encore un désir de rééquilibrer
les relations de pouvoir. Il ne s'agit pas que d'une vulgarisation
des savoirs médicaux, mais bien souvent de partager des
récits et donc de les écouter et d'y répondre.
Encore faut-il selon les contextes et les horizons d'attente,
faire la part entre les récits autobiographiques spontanés
et les récits induits ou contraints dits autobiographies
d'institution (D. Memmi).
L'écrivain pèse ses mots, il est supposé
en connaître le sens, aussi bien le sens commun du dictionnaire,
que la multiplicité de sens, la polyphonie et la force
désirante que chaque mot lié à d'autres recèle
dans l'acte d'énonciation. Il le sait. Des auteurs comme
Sartre dans La responsabilité de l'écrivain
, ou Bataille avec La littérature et le mal , nous
l'ont longuement commenté. Les mots agissent comme des
médicaments, ils sont bifrons, ils ont le pouvoir
quasi magique de blesser et/ou de guérir. Le médecin,
depuis le triomphe d'un certain positivisme scientifique excessif
tend à imposer unilatéralement son discours dans
la confusion de son pouvoir de commandement et de son pouvoir
de compétence. Il a oublié d'apprendre à
écouter et à peser ses mots c'est-à-dire
les choisir en accord avec ce qu'il veut dire, et anticiper sur
leur résonance chez l'autre en situation de conversation
inter-individuelle.
Les journées d'études que nous proposons devraient
pouvoir montrer en quoi les littératures, ces véritables
" sciences du vivre ", résistent d'une part à
la pathologisation du monde, et d'autre part atténuent
et peuvent en partie remédier à la violence de cette
carence langagière qui règne trop souvent dans l'univers
médical. Elles devraient alors s'inscrire dans la réflexion
éthique de chacun, particulièrement de tout soignant
présent et à venir.
G. Danou
Médecin praticien hospitalier,
dr. ès lettres,
habilité à diriger des recherches (littérature
et médecine).
g.danou@free.fr
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