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Muni de ma fausse carte d'identité qui stipule
que je suis ouvrier boulanger et que j'habite Evreux, je pars
en souhaitant bonne chance à mes camarades. Il n'y a pas
de train. Je finis par gagner Pontoise. Là, je tombe sur
un convoi allemand qui se dirige vers Rouen. Je raconte aux Allemands
que ces salauds d'Anglais ont bombardé Evreux et que toute
ma famille est morte...
J'ajoute :
- Je dois me rendre là-bas et cela m'arrangerait
si vous m'emmeniez jusqu'à Rouen.
Ils acceptent ! Je monte dans leur camion et nous roulons
jusqu'aux environs d'Elbeuf où ils s'arrêtent pour
déjeuner. Ils m'invitent. Je rentre avec eux au restaurant
et nous buvons un coup au comptoir. Je m'excuse et me rends aux
toilettes. Le temps que je revienne et ils sont passés
à table, dans la salle à manger. Je prends ma valise
et me sauve...
Je me rends chez les parents de ma fiancée,
à Elbeuf, où j'attends la fin de la guerre. J'ai
repris contact avec André Pointel, des F.T.P., qui me savait
caché chez mes futurs beaux-parents. Un matin, je me trouve
au jardin avec ma belle-mère. Le frère de ma fiancée
arrive en courant, livide. Il m'annonce qu'André Pointel
est à la maison et qu'il faut que je rentre vite.
André Pointel m'annonce :
- Les Allemands savent que tu es caché à
Elbeuf. Tu dois changer d'air.
Une cousine de Rouen s'était réfugiée
chez ma belle-mère. Elle me donne les clés de son
appartement où je me rends. L'appartement est situé
à cinquante mètres de la gestapo... Cela fait quarante-huit
heures que je suis là et je ne suis pas rassuré
: je ne me sens pas en sécurité. Mon camarade Pointel
me raconte qu'il a rendu visite à la buraliste de la gare
Rouen-droite et qu'il lui a demandé du tabac pour les résistants
en la menaçant de l'attaquer si elle ne s'exécutait
pas. Elle s'est exécutée et mon camarade me ramène
du tabac (il partage son butin entre plusieurs camarades). Je
lui dis alors que je me sens nettement plus en sécurité
chez mes beaux-parents. Il m'y reconduit. Mes beaux-parents me
cachent alors dans la maison d'un directeur d'une usine de filature.
A cause des bombardements, le directeur préfère
vivre dans les caves de l'usine où il se trouve plus protégé.
Tous les soirs, à la nuit tombée, ma belle-mère
m'apporte à manger par une petite porte dérobée
qui donne dans le parc de la propriété. Les journées
sont très longues... Heureusement, la fin de la guerre
approche et cette pensée permet de tenir le coup.
Rouen est libérée en août 1944. J'ai
repris mon poste à la S.N.C.F. et me suis marié.