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STALAG XI A

 

Arthur LOUART

 

Né le 22 mai 1919 à Monceau-les-Mines (71), la famille est originaire de la ville d’Angres (Pas-de-Calais) dans le bassin minier de Lens-Liévin.
 Angres se trouvant sur la ligne de front,  sa famille avait été évacuée en 1915 dans le bassin minier de la Loire où il est né.
Au moment de sa naissance, Angres, détruite en totalité, n’était toujours pas en état d’accueillir ses anciens habitants..
.
Décédé à Dieppe (76) le 1er août 2015.
 

Yannick CHAUMETTE a été averti tardivement du décès de M. Arthur LOUART
 et j'ai mis du temps à mettre en ligne l'émouvant hommage qu'il lui a consacré.
Je m'associe très sincèrement au texte de Yannick CHAUMETTE que vous trouverez en bas de page.

Avis de décès consultable sur :
 <http://memoire.lavoixdunord.fr/espace/arthur-louart/333945>

Patrick Pognant (27/06/2016)

Préambule

    En préambule à ce récit de vie de prisonnier de guerre au Stalag XI A, je tiens à remercier vivement M. Yannick Chaumette (voir la page consacrée à son père) qui, depuis plusieurs années, enrichit ce site en lui donnant des précisions historiques qui lui font parfois défaut. Grâce à ses recherches tenaces, il a pu entrer en contact avec M. Arthur Louart et lui a rendu visite sur son lieu de vie afin de recueillir son témoignage qu’il a retranscrit et que nous sommes honorés de mettre aujourd’hui en ligne. Nos remerciements vont aussi à M. Louart qui a compris l’intérêt de faire partager aux autres ses souvenirs de prisonnier et nous a confié des documents pleins d’intérêt.


Patrick Pognant
Paris, le 17 octobre 2014


Transcription de l’enregistrement de l’entretien
entre Arthur Louart et Yannick Chaumette

Dieppe, le  22.08.2014

récit agrémenté de 26 photographies

© 2014 Arthur louart

 


 Les propos de M. Louart recueillis dans une conversation à bâtons rompus
ont été regroupés et réorganisés ci-dessous en différentes rubriques par Yannick Chaumette.


Capture et acheminement en Allemagne

 À la déclaration de guerre en 1939, je suis mobilisé au 6e Génie. Du 21 mai au 4 juin 1940 je participe à l’Opération Dynamo. Mais la bataille de Dunkerque tourne bientôt à la catastrophe pour les troupes franco-britanniques. Elles sont peu à peu enfermées dans la poche de Dunkerque et la seule solution est alors de défendre la ville et de permettre ainsi au plus grand nombre possible de soldats alliés d’embarquer pour l’Angleterre.
            Mais le désordre est indescriptible, les hommes sont dispersés, séparés de leur unité et cherchent désespérément à monter à bord des bateaux ; les Anglais qui donnent priorité à leurs troupes, font quelquefois usage de violence à l’égard des soldats français.
            N’ayant pu embarquer, je suis capturé le 15 juin 1940 à Dunkerque. Commence alors pour moi le périple vécu par tous les prisonniers. Dans mon cas, ce sera d’abord Béthune, puis Verdun. Ces premières étapes sont toujours accompagnées des propos rassurants des gardiens concernant notre future remise en liberté. Ces fausses nouvelles sont destinées à endormir d’éventuelles tentatives d’évasion : « La grande idée des Allemands, c’était de nous bourrer le crâne : on allait toujours être délivrés ». Chaque étape était accompagnée d’un tri parmi les prisonniers suivant leurs professions (cultivateurs, ajusteurs, mineurs etc.) afin de les diriger par la suite au mieux des intérêts des vainqueurs.
            À Verdun, je suis embarqué avec mes camarades dans des wagons à bestiaux qui partent en direction de l’Allemagne. Notre voyage dure trois jours et les quarante hommes qui sont enfermés avec moi dans le wagon ne bénéficient d’une halte que pour la vidange des seaux d’aisance et le réapprovisionnement en eau potable. L’entassement est tel qu’il faut établir un tour de rôle pour permettre à chacun de s’asseoir un moment à même le sol.


LE camp d’Altengrabow

            Notre voyage prend fin à la gare d’Altengrabow, petite ville de Saxe-Anhalt située à une cinquantaine de kilomètres à l’est de Magdeburg.. Une fois débarqués, il nous faut rejoindre le camp distant d’environ deux kilomètres. Durant cette marche, des civils allemands (parmi lesquels de nombreux enfants) nous regardent passer, puis se mettent à nous caillasser et les femmes à nous insulter. Heureux des victoires du Reich, les Allemands de 1940 manifestent ainsi leur joie en accablant les prisonniers, représentants des pays conquis.
                   Arrivés au Stalag XI-A d’Altengrabow, nous subissons les opérations de désinfection : douche, rasage, épouillage, et passage de nos vêtements à l’étuve. Ces différents traitements permettent de nous débarrasser complètement des poux et des puces. L’une des premières consignes que les autorités du camp demandent aux prisonniers de respecter sous peine de sanctions très lourdes (pouvant aller jusqu’à la peine de mort en cas d’infraction) est de ne pas fréquenter de femmes allemandes.

lettre
Avis interdisant les contacts entre les femmes allemandes et les prisonniers (1940)
© Archives Nationales.

A. Louart avec un camarade de captivité
Arthur Louart (à droite) avec un camarade de captivité.

A. Louart avec deux camarades de captivité
Arthur Louart (au centre) avec deux camarades de captivité.


Le kommando 544.10

            À l’occasion d’un dernier tri, je suis affecté au kommando 544.10 dont le lieu de travail est l’usine Maschinenfabrik Wolf, dans le quartier de Buckau à Magdeburg. J’y travaillerai jusqu’à ma tentative d’évasion, en décembre 1944. Ce kommando compte parmi les plus importants de Magdeburg : des Russes, 200 Français et 300 Belges Wallons. À mon arrivée à l’usine, ces derniers sont dans une rage folle. J’en apprends vite la raison : leurs compatriotes flamands viennent d’être renvoyés dans leurs foyers en vertu du traitement de faveur que l’Allemagne nazie réserve aux peuples germaniques.


dessin Kommando 544.10
Dessin de A. GIRBAL (camarade de captivité d'Arthur Louart)
représentant  des membres du Kommando 544.10 .


En dépit des tentatives allemandes de tirer le meilleur profit des compétences professionnelles des prisonniers,  je me vois affecté à un poste où je dois travailler avec une perceuse, outil dont j’ignore le maniement. S’ensuivront de très nombreux forets mal aiguisés et des mèches cassées en abondance ! Nos horaires sont simples : deux rotations de 12 h par jour, cinq jours par semaine, le samedi après-midi et le dimanche étant normalement réservés au repos. Mais cette règle est ignorée chaque fois que de la main d’œuvre est nécessaire pour des corvées supplémentaires comme par exemple le déchargement des wagons de tourbe, combustible utilisé à l’usine pour faire fonctionner les machines.


Dessin représentant le Kommando 544.10

dessin Kommando
Dessins de A. GIRBAL (camarade de captivité d'Arthur Louart)
représentant le Kommando 544.10.

La vie du kommando s’organise peu à peu. À l’usine, j’ai pour voisin d’établi un Allemand qui se révèle être un brave homme, ancien de 14-18. Les contacts que nous avons sont corrects. Ceux avec les ouvriers de Magdeburg qui travaillent dans l’usine sont souvent basés sur le troc. Les prisonniers proposent des cigarettes ou du chocolat, produits très recherchés par les Allemands du fait de la pénurie régnant  dans le pays en guerre.
            D’autre part au fur et à mesure de l’avancée de la guerre, Magdeburg, grand centre industriel, devient la cible de plus en plus fréquente des bombardements alliés. Le dimanche les prisonniers sont alors souvent réquisitionnés pour s’occuper des travaux de déblayage dans les quartiers touchés. Notons au passage que Magdeburg, étant donné son importance stratégique, a été très tôt la cible des avions alliés. La Maschinenfabrik Wolf a même été endommagée lors d’un de ces raids. Ce n’est donc pas tous les dimanches que mes camarades prisonniers et moi-même avons pu bénéficier de notre repos hebdomadaire !
            Magdeburg subit dans les derniers temps de la guerre un véritable déluge de bombes. Je suis témoin des dégâts énormes occasionnés dans le centre de la ville. Dans ce cas, les Allemands se contentent alors de fermer par une rangée de barbelés l’accès aux immeubles endommagés. Aucune recherche n’est entreprise dans les amas de décombres…
            Les bombardements sur Magdeburg font naître en moi des sentiments mitigés : je balance entre la joie de voir l’Allemagne durement frappée et la peur d’en être moi-même la victime innocente. Il m’est même arrivé d’assister à une bataille aérienne au dessus de la ville.
            Les liens avec la France, prennent la forme de colis envoyés par les familles des prisonniers. Ils permettent d’adoucir un tant soit peu la dure vie au kommando en procurant à leur destinataire quelques douceurs, du tabac, des vêtements chauds, un complément de nourriture. Après un passage au contrôle, les colis sont remis à leurs destinataires.
            Au centre de Magdeburg, une ancienne salle de bal et de concerts, le Kristall Palast, est transformée en camp d’internement pour prisonniers de guerre. Des châlits sont installés dans la salle de spectacle et certains occupent même la scène, un hôpital est aussi abrité dans ses murs. Au Kristall Palast se trouve l’un des kommandos les plus importants de la ville, le 544.10, dont les prisonniers travaillent chez les artisans de la ville ou les entreprises environnantes (Rex Werke).
            Le centre de tri des colis y est également installé et je m’y rends quelquefois avec une charrette pour récupérer les paquets destinés aux camarades de mon détachement. Dans l’ensemble il y a peu de vols et les colis du kommando 544.10 sont convenablement remis à leurs destinataires.


A. Louart et des membres du Kommando 544.10
Quelques membres du Kommando 544.10.

Kommando 544.10
Quelques membres du Kommando 544.10. Arthur Louart est le troisième debout à gauche.

A. Louart et membres du Kommando 544.10
Trois membres du Kommando 544.10 - Arthur Louart est au centre.


   A. Louart et Kommando 544.10

Membres du Kommando 544.10 - Arthur Louart est assis au centre.

 Le contact avec le pays est aussi maintenu grâce au courrier. Nous recevons comme un rayon de soleil les lettres ou les cartes des parents, des frères et sœurs, des amis, de l’épouse, qui y joint parfois la photo des enfants. Ainsi gardons-nous, par l’esprit du moins, ce lien nécessaire à notre équilibre psychologique.
            Mais les nouvelles sont parfois mauvaises : l’annonce du décès d’un proche, une maladie grave pour laquelle on ne peut rien faire depuis le camp, ou encore celle de l’infidélité d’une épouse, la séparation d’avec celle-ci, plongent le prisonnier dans un désespoir sans fond. Je suis, hélas, quelquefois témoin de ces chagrins inconsolables et j’essaye d’apporter un peu de réconfort à mes malheureux camarades en les serrant dans mes bras, comme on le ferait avec un enfant. Messagères de bonnes ou de mauvaises nouvelles, les lettres passent toutes à la censure et sont distribuées aux prisonniers, frappées du tampon geprüft (contrôlée).


Lagergeld
Lagergeld (monnaie de camp) d'une valeur de 5 marks ;
monnaie utilisée par les prisonniers pour l'achat de denrées dans l'enceinte du camp ou dans les détachements de travail.


Au kommando, nous parvenons à nous tenir informés de l’évolution de la guerre. Moyennant un peu de tabac ou de chocolat, nous sommes parfois autorisés par nos gardiens à nous approcher des postes de TSF.  Quelquefois ce sont les Allemands eux-mêmes qui nous apportent l’information, en particulier lorsqu’elle relate une victoire de la Wehrmacht ! Ainsi l’échec de la tentative de débarquement à Dieppe le 19 août 1942 (Opération Jubilee) qui se solde par un désastre pour les Alliés, nous est-il  joyeusement annoncé  à trois heures du matin !
            Mais les nouvelles ne sont pas toutes aussi catastrophiques pour les prisonniers français. Bien plus tard, dans la journée du  6 juin 1944, celle du débarquement allié en Normandie (réussi celui-ci !) m’est communiquée en fin d’après midi grâce à l’indiscrétion d’une sentinelle. Voulant en informer mes camarades sans trahir mon informateur, je patiente une heure, puis entre dans mon atelier, bras levés en signe de victoire et je leur annonce sobrement par deux fois, la voix tremblante d’émotion : « Ça y est ! » Et j’entends alors autour de moi les commentaires navrés des Allemands : « Ah ! Il sait ! »
            Le même jour, au moment de la dislocation des prisonniers après l’appel du soir qui, pour une fois, est rapidement mené, les hommes du 544.10 restent au garde à vous. Intrigués les Allemands leur demandent une explication : « Nous rendons hommage à ceux (des nôtres) qui sont tombés aujourd’hui ! » Le kommando tenait sa vengeance !
            Vers la fin de la captivité une nouvelle vermine fait son apparition dans le kommando : les punaises ! Elles nous sucent le sang la nuit et le jour et se réfugient dans les fissures des charpentes de bois qui constituent l’ossature des bâtiments où nous logeons. De ce fait, elles échappent à l’étuve, comme les poux. Les gardiens, en étant eux-mêmes victimes, sont incapables de nous débarrasser de ce nouveau fléau. Nous décidons donc de faire partager notre infortune à la population : c’est ainsi qu’à l’usine, nous déversons chaque jour des boîtes de punaises dans les vestiaires des civils qui travaillent avec nous. Certains échos nous rapportent bientôt l’arrivée des bestioles en ville, pour notre plus grande joie. D’autant plus que, dans le même temps, le bruit se répand que ce sont les Américains qui les déversent à l’occasion des bombardements…

La baignade sur les bords de l’Elbe

Parmi les rares moments de véritable détente que les prisonniers peuvent goûter, il en est un auquel nous tenons particulièrement : la baignade. C’est, à la bonne saison, le dimanche que cette activité est possible, à condition toutefois qu’aucune corvée supplémentaire ne vienne interférer.
          L’hygiène – ou plutôt son absence – dans les baraques du kommando étant une grande cause du malaise des prisonniers, cette sortie régulière sur les bords de l’Elbe prend rapidement à nos yeux une importance capitale : véritable bouffée d’air frais dans l’univers étouffant de la captivité, elle permet de laver les corps, de les débarrasser de la vermine des paillasses et de détendre des muscles endoloris par le travail de la semaine. Moment inestimable que l’on tient à conserver par-dessus tout ; un accord est rapidement conclu parmi les captifs du kommando : aucune évasion ne sera tentée à cette occasion et ce, pour éviter que l’activité qui nous procure tant de bien-être soit supprimée. À noter que ce pacte non-écrit ne vaut pas lors des promenades et autres déplacements de groupes : dans ce cas toute occasion de s’évader est bonne à saisir ! La baignade représente donc en ce sens, une activité à part.


baignade sur les bords de l'Elbe
Un dimanche de baignade au bord de l'Elbe.
Arthur Louart est le deuxième à partir de la gauche (un de ses camarades est sur son dos).


A; Louard baignade sur les bords de l'Elbe
Un dimanche de baignade au bord de l'Elbe.
Arthur Louart, debout, est le deuxième à partir de la gauche.


Globalement, les rapports avec les gardiens sont corrects. Encadrés par une garde légère formée de soldats assez âgés (souvent des anciens de la Grande guerre), nous sommes amenés dans des lieux fréquentés également par les habitants de Magdeburg et, curieusement, aucune interdiction ne nous est signifiée de nous baigner parmi eux ! Naturellement, dans de telles conditions des contacts se nouent, et en particulier, avec des femmes allemandes. Les bords de l’Elbe deviennent alors le lieu des rendez-vous amoureux clandestins, malgré la stricte interdiction que les autorités militaires ont fait connaître tant aux prisonniers qu’à la population civile. Les peines encourues par les uns et les autres sont pourtant très sévères, mais elles ne parviennent cependant pas à empêcher les rencontres.

Les sociétés théâtrales

L’un des dérivatifs les plus prisés des prisonniers sont les sociétés théâtrales. Le nom de la troupe cherche toujours à évoquer, avec un humour triste, la captivité : par exemple celle du Kommando 544.25, Les Captifs endiablés. Celle de mon kommando n’échappe pas à la règle du clin d’œil : Les Tréteaux en K.G.


affiche Trétaux des en KGtrétaux en KG
Affiches de la troupe Trétaux en KG.

Caricature d'Arthur Louart
Caricature d'Arthur Louart par A. Girbal pour la pièce Le Mystère de Kéravel.

J’ai tôt fait d’intégrer la troupe et je suis bientôt à l’affiche de nombreux spectacles :

– Le Mystère de Kéravel ;

– Argent de suite ;

– Le Club des gangsters ;

– Feue la mère de Madame ;

– 21 juin 1940 : Une Nuit au bouge ;

– Noël 1941 : participation au spectacle des Tréteaux en KG : Les Tréteaux en folies ;

– 20 avril 1942 : Lidoire ;

– 7 juin 1942 : Carmen ;

– 11 octobre 1942 : Une Déclaration de revenus, Fausse monnaie ;

– 1er novembre 1942 : Dans l’ombre ;

– Noël 1942 : Fric-frac ;

– Pâques 1943 : Bichon.

Dans un premier temps les moyens manquent cruellement pour donner l’illusion de vraies représentations théâtrales. Mais peu à peu les gardiens allemands acceptent de nous fournir des vêtements civils que nous n’aurons la permission d’utiliser que sur scène, bien entendu ! Un strict contrôle est effectué sous forme de comptage des vêtements au moment du prêt et de leur restitution.


rôle féminin tenu par A. Louart A. Louart rôle féminin

A. Louart rôle féminin
A. Louart rôles féminins
Rôles féminins tenus par Arthur Louart (il est à gauche sur les trois premières photos et à droite sur la dernière)

À nouveau, au kommando 544 .10, un accord est passé entre les « acteurs » : personne n’utilisera  des vêtements civils pour une évasion. Là encore, le risque pour ceux qui restent serait de se voir privés d’un dérivatif fort apprécié. Cette ligne de conduite est pour nous « sacrée ».
         Le succès de ces représentations est très grand parmi les prisonniers et la troupe des Tréteaux en KG va même se produire dans d’autres kommandos. À cette occasion, je noue des liens étroits avec quelques prisonniers. Après guerre, mes camarades de Tréteaux et moi-même prendrons l’habitude de nous revoir de façon régulière lors de réunions annuelles à Paris.

Quelques photos depuis les coulisses des Trétaux en KG

Trétaux en KG
Répétition. Arthur Rouart est debout, sur la droite en bras de chemise.
        Arthur Louart Trétaux en KG
Arthur Louart, à gauche, tient le micro...
         Trétaux en KG Séance de maquillage
Séance de maquillage.
          la troupe des Trétaux en KG
Quelques membres de la troupe des Trétaux en KG.

                Les Trétaux encagés
Idem.

                 Les Trétaux en KG
Idem. Arthur Louart est au premier rang le troisième à partir de la gauche.


La transformation

  Mise en place au début de l’année 1943 cette mesure permet aux prisonniers de guerre d’être « transformés » en travailleurs dits « libres ». Devant le refus massif des captifs d’abandonner leur statut de prisonniers de guerre, et une fois les menaces de représailles épuisées, la transformation est souvent appliquée par les Allemands de façon autoritaire et collective, par kommandos entiers.
            À cette occasion je suis témoin du désespoir d’un de mes bons camarades, Pierre Salmon, qui, croyant se retrouver avec moi, avait accepté la transformation. Je n’avais rien dit de mon intention de refuser pour laisser mon camarade choisir en conscience. Mais qu’ils soient transformés ou non, les prisonniers conserveront entre eux de bons rapports par la suite.

 

L’évasion et la reprise

 
               En 1944, le contexte tourne définitivement à l’avantage des forces alliées et des Russes. Cette année-là voit, en conséquence, le nombre de tentatives d’évasion augmenter de façon significative.
            Profitant d’une occasion qui se présente, je franchis le pas et m’évade en décembre 1944 en compagnie de trois camarades, mais de façon spontanée, sans préparation, sans plan. Nous couchons dans des meules de paille, mais nous avons rapidement des difficultés à trouver de la nourriture ; nous sommes quelquefois dépannés par d’autres prisonniers rencontrés dans les champs au cours de notre périple. Mais nous sommes bientôt accablés de fatigue et nous sommes repris lors d’un contrôle de police. Je suis ramené au camp d’Altengrabow et enfermé quelque temps dans une cellule à l’écart.
           Je parviens néanmoins à communiquer avec des prisonniers arrivant de Prusse qui me racontent leur kommando, leur lieu de travail, les conditions locales etc. Je passe ensuite devant une commission disciplinaire et là, fort des renseignements obtenus,  j’invente une histoire selon laquelle j’étais dans un kommando en Prusse et je n’avais fait que suivre mes patrons qui fuyaient l’avancée des Russes. Donnant un faux nom (celui de mon beau-frère !) je réussis ainsi à éviter le renvoi à Magdeburg où je craignais de retourner à cause des
bombardements. Je termine donc ma captivité à proximité de Salzwedel, petite ville située au nord ouest de Magdeburg. En 1945, tous mes dimanches se passent à déblayer les décombres de la gare, complètement détruite par les bombardements alliés.


LA LIBÉration et le rapatriement

 
            C’est à Salzwedel que je suis libéré par les Américains fin avril 1945. Peu à peu, au fur et à mesure de l’avancée des troupes alliées et russes, tous les prisonniers sont libérés partout en Allemagne. À cette occasion, je suis témoin de scènes de vengeance sur la population civile qui m’ont traumatisé, particulièrement de la part des prisonnières russes qui avaient eu à endurer d’abominables souffrances causées par les Allemands. Les prisonniers français ne font rien pour les arrêter, ce que je regrette peut-être aujourd’hui,  mais  le contexte de l’époque ne plaidait pas pour la mansuétude à l’égard des Allemands.
         De même, j’apprends que le responsable de l’usine Maschinenfabrik Wolf, un certain Peters, a été pendu par les prisonniers russes du kommando 544.10 sur lesquels il s’était acharné avec sauvagerie pendant leur captivité.
           Tout va très vite à partir de ce moment-là pour mes camarades et moi. Nous sommes chargés par des soldats noirs américains dans des camions pour être transportés à Hanovre, ce qui me vaut une des plus grandes frayeurs de ma vie car « si les camions n’étaient pas blindés, les chauffeurs noirs l’étaient, eux ! ».
           Après une séance de désinfection et d’épouillage, trois jours après être arrivé à Hanovre, j’embarque à bord d’un avion qui atterrit au Bourget d’où je rejoins le centre de rapatriement du Vel’ d’Hiv’ pour y accomplir les formalités de retour.


Observations sur le livre de fabienne montant:

altengrabow stalag XI-A

          J’ai lu avec beaucoup d’intérêt et d’attention le livre que Fabienne Montant a consacré au Stalag XI-A (voir bibliographie). Je tiens à apporter quelques précisions sur certains points dont parle l’auteur.

LA PROMISCUITé : c’est une chose qui m’a énormément pesé pendant toute ma captivité : aucun moment où les prisonniers sont seuls, mêmes pour satisfaire aux besoins les plus intimes. De plus, les hommes de toutes conditions se trouvent mêlés ; certains, issus de régions de France reculées, peu accessibles, n’ont aucune habitude de la vie en société et se comportent comme s’ils étaient seuls, inconscients de la gêne qu’ils provoquent autour d’eux.

LES DéCèS : j’ai toujours vu les soldats allemands rendre les honneurs militaires aux prisonniers décédés en captivité. J’ajoute que, pour ce qui est de mon kommando, ceux-ci sont généralement enterrés dans le cimetière communal du lieu de travail.

LES RUSSES : j’ai été témoin des exactions répétées des Allemands sur la population des prisonniers de guerre russes ce qui, à mes yeux, explique que ces derniers se sont déchaînés sur leur geôliers à la libération des camps.

LES HOMMES DE CONFIANCE DES KOMMANDOS : dans le 544.10, ils ont toujours été choisis par les prisonniers, jamais désignés par les Allemands.

MISSION DE L’AMBASSADEUR SCAPINI : je n’ai jamais vu personne venir visiter mon kommando ! « Scapini était considéré comme un collabo ! ».





Texte et photos, avec la bienveillante complicité de Yannick Chaumette
© Arthur LOUART 2014


Arthur LOUART
In memoriam

Texte de Yannick CHAUMETTE

C’est avec une grande tristesse que nos avons appris, de façon fortuite et bien tardivement, le décès d’Arthur Louart le 1er août 2015 à l’âge de 96 ans. Arthur Louart était certainement l’un des derniers survivants parmi les prisonniers de guerre du Stalag XI-A d’Altengrabow.
        Après son retour de captivité, il avait tenu à perpétuer la mémoire de cette sombre période de notre histoire en exerçant de multiples responsabilités militantes au sein de nombreuses associations. Que ce soit auprès de l’Office National des Anciens Combattants (ONAC), de l’Union Française des Anciens Combattants (UNAC), de la Mutuelle Santé des Combattants Déportés (MCD), du Souvenir Français, pour ne citer que les principales, Arthur Louart s’est donné sans compter, tant au niveau national que régional, à la cause des anciens captifs. Il apportait aussi, périodiquement, le témoignage de son expérience de prisonnier de guerre, travailleur forcé pendant cinq longues années au cœur de l’Allemagne nazie.
        C’est d’ailleurs grâce à sa participation au documentaire J’attendrai (de Jérôme Lambert et Philippe Picard, Kuiv productions, www.kuiv.com), que j’ai eu l’honneur de faire la connaissance d’Arthur Louart. Malgré un état de santé fragile, il a accepté sans hésiter de me recevoir dans sa maison de retraite de Dieppe pour me parler de ses années de captivité. Surmontant sa fatigue, il m’a entretenu, pendant une journée et demie, de la captivité telle qu’il l’avait vécue au camp d’Altengrabow. Arthur Louart m’a ouvert avec une grande confiance ses très nombreuses archives personnelles et a accepté de les voir mises en ligne sur le site du Stalag XI-A.
        J’avais, à cette occasion, recueilli son témoignage dont la synthèse se trouve dans les pages qui lui sont consacrées sur le site. Son esprit, toujours vif, m’a permis de trouver de nombreuses réponses au sujet de la captivité de mon propre père qui, hasard de l’histoire, avait été versé dans un Arbeitskommando de Magdeburg, voisin de celui où travaillait Arthur Louart.
        Ce décès nous prive, nous les enfants des captifs attachés à la mémoire de nos pères, d’une personne de grande qualité qui est restée, jusqu’à la fin de sa vie, un témoin militant de cette sombre période. Cependant, sa disparition ne saurait effacer l’engagement de sa vie qu’il a généreusement mise au service de la connaissance et de l’édification des jeunes générations.
        Soyons en conscients et reconnaissants.
  

Yannick Chaumette, <yannick.chaumette@laposte.net>
19 avril 2016

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