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1. Biographie de Georges Chaumette par son fils, Yannick Chaumette
0 Naissance et enfance
Georges André Chaumette naît le 28 février 1909 à
Villers-Cotterêts (Aisne). Deux soeurs l'avait précédé. Pendant
la Première Guerre mondiale, ses parents, Charles et Octavie,
l’envoient à
Saint-Jean d'Angély (Charente maritime) où il est scolarisé à l'abri
des
combats qui déchirent le nord de la France.
0 Service militaire
Georges CHAUMETTE est appelé sous les drapeaux le 23 avril 1930. Il rejoint l'École Militaire d'Application de Cavalerie et du Train de Saumur (Maine-et-Loire). Il y est nommé brigadier le 25 octobre 1930 et renvoyé dans ses foyers le 11 avril 1931 avec un "Certificat de bonne conduite".
Dans le cadre de la mobilisation générale, il est « appelé à
l'activité » en vertu du décret du 1er septembre 1939.
Il rejoint dès le 2 septembre le Dépôt de Cavalerie n°26 d’Épernay (Marne),
où il est incorporé au 92e GRDI (Groupe de Reconnaissance de
Division d’Infanterie). Le 27 du même mois, il est muté à l’escadron Hors-rang
du 63e GRDI commandé
par le Chef d’Escadron Oudar.
Le 63e GRDI
dépend de la 56e Division d’Infanterie (Général de Mierry),
elle-même rattachée à la 3e armée (Général Condé).
Dès
les premiers jours de septembre, le 63e GRDI fait mouvement pour
l’Est de la France. Après de multiples déplacements, son unité prend position
le 16 octobre au-delà de la ligne Maginot, à proximité immédiate des frontières
luxembourgeoise et allemande.
Par
ordre du Commandant Oudar, le Brigadier Chaumette passe, le 2 octobre 1939, de
l’escadron Hors-rang au 2e escadron (motocycliste) commandé par
le capitaine de Corcelles. Il se trouve dans le peloton du lieutenant Soubrier.
Dès
son arrivée, le 63e GRDI est engagé dans de nombreux combats (Sierck-les-Bains,Kitzing,Apach,
Belmach…) menés sous une pluie torrentielle pendant près d’un mois.
Le
21 novembre le général d’armée Condé, commandant la 3e armée accorde
à l’escadron motocycliste une citation collective à l’ordre de la division.
Les
combats se poursuivent sous forme d’accrochages, d’escarmouches avec plus ou
moins d’intensité selon les périodes, pendant tout un hiver extrêmement
rigoureux où les températures descendent très bas : un cavalier du GR
relève sur son carnet un -32° en janvier à Volmerange ! Le 63e GRDI
est très mobile pendant la « drôle de guerre », et fait souvent des
allers-retours entre diverses positions stratégiques en fonction des ordres de
mouvement qui lui parviennent.
De
nombreuses pertes en vies humaines sont à déplorer parmi les compagnons d’armes
de Georges Chaumette durant l’hiver 39/40.
Au
matin de l’invasion allemande du 10 mai 1940, l’ordre est donné au 63e
GRDI de franchir la frontière luxembourgeoise pour s’opposer aux premières
unités aéroportées allemandes qui sont arrivées autour de cinq heures. Après une
journée entière de combats, le but fixé est atteint : l’ennemi est défait,
de nombreux prisonniers sont capturés et en fin de journée les positions qu’il
occupait dans les hauts de Frisange (Luxembourg) sont prises. À leur grande
surprise les cavaliers reçoivent, au soir du 10 mai, l’ordre de se replier sur
le poste frontière d’évrange
(France) et d’abandonner le terrain conquis dans la journée.
Pendant
le mois qui suit, le GR participe à de nombreux engagements dans la zone
frontalière, coups de main, embuscades, patrouilles.
Le
13 juin l’ordre est donné de se replier vers le sud, sur Saint-Dizier.
Pendant
ce repli, les missions assignées au 63e GRDI consistent à réaliser des
destructions d’ouvrages, de routes, et de mener en parallèle des combats
retardateurs afin de protéger les états-majors et les unités retraitantes en gênant
les troupes allemandes dans leur avancée.
Ainsi,
pendant la nuit du 14 au 15 juin 1940, à Montier-en-Der (Haute-Marne), le
63e GRDI avec ses maigres moyens matériels (aucun canon
antichar !) se voit assigner la mission de s’opposer au passage d’une
puissante colonne blindée allemande qu’il réussira à bloquer pendant six
heures d’une lutte acharnée, avant de décrocher, sur ordre, au petit matin.
D’autres
engagements sporadiques sont encore menés pendant ce repli (Ville-sur-Terre, Bar-sur-Aube, Coulmier-le-Sec, Bordes-Bricard notamment) pour couvrir la retraite d’unités isolées.
Les
éléments motorisés du 63e GRDI se déploient le 16 juin 1940 dans trois villages de Côte-d’Or
(Bordes-Pillot, Panges, Charmoy) pour en
assurer la défense en liaison avec d’autres unités. Mais le GR se retrouve
totalement encerclé et submergé par les troupes blindées ennemies. Pour éviter
un inutile bain de sang les officiers décident de mettre bas les armes.
0 1940-1945 : prisonnier de guerre
Georges
Chaumette est fait prisonnier à Bordes-Pillot le 17 juin 1940 en
compagnie de nombreux éléments de son unité.
Liste officielle n° 39 de prisonniers français, Paris, 14 novembre 1940, p. 12
(BNF - Gallica)
0 Frontstalag 124
Avec ses
camarades et ses officiers, il est acheminé dans les véhicules restant
du GR,
tout d’abord sur Semur, Chablis, puis à pied, sur Tonnerre. Le 23 juin
les
officiers sont séparés des hommes qui sont pour la plupart dirigés sur
Roffey tout d'abord, puis le 25 à Marolles et le 1er juillet, après
avoir enduré une marche de plus de 70km, ils parviennent à trois heures
du matin au FrontStalag 124 de Troyes. Georges Chaumette y est enregistré successivement
sous les matricules 11845 et 11599 (voir infra in Documents : Document 1 et les deux suivants).
Le 14 janvier 1941, il est déplacé
à Cravant (Yonne) - une annexe du Stalag 124 - d’où son convoi, formé de wagons à bestiaux, part pour
l’Allemagne le même jour (voir Document 4).
0 Stalag XI A
Georges Chaumette arrive le 17 janvier 1941 à la petite gare d’Altengrabow pour
être acheminé au Stalag XI A (région
de Magdeburg, Saxe-Anhalt).
Il
y est enregistré sous le matricule 101486 (voir Document 5 et les deux suiv.ants).
Son
état de santé est noté à l’arrivée : krank (malade,
souffrant).
0 Arbeitskommandos (détachements de travail)
Durant les années de captivité en
Allemagne il est versé dans les Kommandos 544.17 ; 544.26 de
Magdeburg. Il est transféré à Halberstadt et Mühlhausen aux deux kommandos 356.11 et
356.12. Il devient Prisonnier de Guerre Transformé* le 20 février
1944. Sans doute en raison de la relative liberté de mouvement que son nouveau
statut lui permet, il tente de s’évader pendant l’hiver 1944. Il est arrêté, sans représailles semble-t-il.
Au début de l’année 1945 il est toujours
à Magdeburg, employé à la Rex-Werke (fabrique de boulons, écrous, vis). À cette
période, les bombardements alliés sur les usines de Magdeburg et sa région
s’intensifient occasionnant de très gros dégâts.
Georges Chaumette et ses camarades
prisonniers sont souvent requis par les autorités pour des travaux de
déblaiements et de remise en état des voiries. C’est ainsi que le 15 février
1945 il est détaché dans une équipe (voir Document 9) pour travailler au Westfriedhof (cimetière ouest) de Magdebourg après le
bombardement très meurtrier des 14 et 15 février sur la ville.
Il n’est pas rare que des
prisonniers de guerre soient aussi employés comme fossoyeurs, le nombre de
victimes des bombardements alliés quasi quotidiens dépassant les possibilités
de réaction des pompes funèbres de la ville.
0 Libération, incertitude, attente et rapatriement
Le
Stalag XI A est libéré le 3 mai 1945 par les premiers éléments de la IXe
Armée américaine, rejoints le lendemain par les Russes avec à leur tête le
Maréchal Joukov).
Cependant,
la famille et les proches de Georges Chaumette signalent le 16 juin 1945 aux
autorités en charge du rapatriement des Prisonniers de Guerre (PG) qu’ils sont « sans
nouvelles (de lui) depuis le 20 juillet 1944 » (voir Document 10 ainsi que la réponse du ministère, Document 11). Cet
état de fait est dû de toute évidence au chaos régnant en Allemagne pendant la
dernière année de guerre : en effet, les bombardements alliés se font de plus en
plus destructeurs et la tenaille exercée par la progression des troupes alliées
à l’ouest et soviétiques à l’est contribuent à la désorganisation du pays.
Dans la mesure où les camps étaient libérés, et les
prisonniers pris en charge par les Alliés (pour bon nombre d'entre eux,
dont mon père, c'était loin d'être le cas), pour les Allemands, la
cause était entendue : ils étaient rapatriés (voir Document 12) !
Après la libération du camp et de ses Kommandos, il règne une grande
confusion en Allemagne entre mai et septembre 1945. Une
fiche des Forces armées américaines (American Expeditionary Forces, AEF) signale Georges Chaumette le 31 août 1945 au camp de
rassemblement de Mattenberg à Kassel, en Allemagne (voir Document 13).
Son état de santé est-il la cause de ce rapatriement tardif ? Ceci est
fort possible étant donné les conditions subies pendant les cinq années
de captivité qui lui vaudront de ne recouvrer une certaine santé qu'au
terme d'une année entière de soins et de repos après son retour en
France (une des rares confidences qu'il m'avait faite sur cette
période).
Georges
CHAUMETTE est enfin rapatrié le 6 septembre 1945 (centre de rapatriement n° 61,
Benoît-Malon à Reuilly, Paris 12 e).
0 état de santé
Après
examen médical son état de santé est qualifié de « état moyen »
assorti des précisions suivantes : « Soins dentaires, hernie
inguinale droite, luxation synoviale genou gauche, baisse vue œil gauche,
cicatrice brûlure joue (?) gauche.» (voir Document 14 et Document 15)
Il
devra en outre consulter à de multiples reprises pour un état dermatologique
dégradé dont il conservera des séquelles pour le restant de ses jours.
Après quelques
consultations médicales indispensables pendant les mois qui suivent, il se
retire quelque temps au domicile de son beau-père à Chartres.
Il est démobilisé le
18 janvier 1946 et pour compter du 6 septembre 1945 (voir Document 17).
Georges Chaumette obtient
Il n’a jamais répondu aux
avis de recherche de l’Amicale des anciens du 63e GRDI. Il a
toujours été très peu disert sur ses années de guerre et de captivité.
Georges Chaumette meurt le
2 avril 1980. Il repose auprès de sa seconde épouse, ma mère, à Martigues
(Bouches-du-Rhône).
Yannick CHAUMETTE
Feuille d’enregistrement des prisonniers au
Frontstalag 124 de Troyes.
Traduction :
« Liste n°31 concernant 256 prisonniers / 256 nouveaux arrivés / 1
officier / 255 hommes du rang /
Enregistrement terminé 18/12/40 / Vérifié le 30/12/40 par Eibuh (?)-Schuler /Envoyé à la Croix-Rouge à Genève le 24/12/40 / Envoyé à la puissance protectrice* le 24/12/40 / Envoyé au Fichier militaire 10/02/41. »
Identification des prisonniers. Relevé sur lequel figurent les coordonnées de Georges Chaumette.
Les renseignements contenus dans ces deux feuilles indiquent, de gauche à droite :
– feuille de gauche : le pays d’origine ; le matricule attribué à
l’arrivée au Frontstalag ; les nom, prénom, date et lieu de naissance ;
le prénom du père ; le nom de jeune-fille de la mère ; les nom et adresse de la personne référente ;
–
feuille de droite : le grade ; l’arme ; le matricule militaire ;
le lieu et la date de capture ; blessures, décès, lieu d’inhumation (éventuellement)
mais les prisonniers recensés sur cette feuille sont tous en bonne santé (gesund)
; remarques (par exemple : arrivée d'un autre camp, tentative
d'évasion, fusillé pour mutinerie). Ces renseignements sont ensuite
reportés sur une carte de couleur marron (braunverkartet) par le Fichier Militaire (Wherstammkartei, abrév. : W. St. K.) et dont voici le fac-similé des recto et verso :
Il n’est
pas étonnant qu’après trois jours et trois nuits passés dans les wagons à bestiaux, dans une odieuse
promiscuité et au milieu des immondices,
nombre de prisonniers à l’arrivée,
soient rangés dans la catégorie des malades (krank).
N. B. : Les documents précédents (documents 1 à 7), proviennent
du
SHD Caen (Service Historique de la Défense, Division des Archives des
Victimes des Conflits Contemporains (DAVCC).
Carte dite "de capture" transmise au CICR afin notamment de prévenir les familles.
Comité International de la Croix-Rouge (CICR), Genève (Suisse)
Concernant une des activités de mon père dans les Kommandos, la seule source que je possède comprend deux feuillets tamponnés par les dirigeants de la Rex-Werke qui mettent à disposition de la ville de Magdebourg trois équipes de travailleurs pour une opération de déblaiement. Mon père fait partie de l’équipe n° 3, composée de Français, de Tchèques et de Polonais.
N. B. : SDH Caen, DAVCC pour les deux lettres.
Concernant mon père, la fiche mentionne que « son lieu de travail a été l’usine Rex-Werke, d’octobre 1943 à avril 1945.
Depuis 1944 son lieu de détention était le camp de rassemblement Rot-Weiss de Magdebourg, Ackerstrasse (rue Acker)
et qu’en mai 1945 il est rapatrié en
transport collectif ».
Fiche de rapatriement délivrée par les autorités américaines.
International Tracing Service (ITS), Service international de recherches, Arolsen, Allemagne (<https://arolsen-archives.org/>)
Une grossière erreur saute aux yeux sur le document. En effet, le tampon dateur indique "31 Aug. 1943" ! Il faut bien sûr lire "1945"
(pour mémoire, il n'y avait pas de troupes américaines en Allemagne en 1943 !).
Fiche médicale RECTO de Georges Chaumette (Ministère des Prisonniers, Déportés et Réfugiés)
Cette fiche médicale
apporte sur le recto des informations administratives sur le prisonnier mais
également d’autres renseignements intéressants sur le rapatriement lui-même :
- les pointillés en haut à gauche indiquent « 61 06 09 5 » ; - « 61 » est le n° du Centre d’accueil, Caserne de Reuilly, Paris, 12e ;- « 06 09 5 » est la date de l’examen médical, 6 septembre 1945
Document 17
L’évasion n° 5, février 1946. Journal de
l’Amicale du Stalag XI A.
(SHD,
Vincennes)
Tous les moyens étaient bons pour retrouver la trace des prisonniers et L'évasion fournissait tous les renseignements disponibles sur les prisonniers afin de faciliter leur recherche,
comme on peut le constater avec George Chaumette cité deux fois mais avec des renseignements complémentaires.
Georges CHAUMETTE
reçoit sa Carte de Combattant le 5 juin 1953, émise par l'Office
national des Mutilés, Combattants, Victimes de la Guerre, Pupilles de
la Nation.
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