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Chapitre 19

En cet été languissant de fin de siècle, une âpre chaleur placardait dans une immobilité de carte postale l'ancestrale cité, joyau patiné ornant le bras méandreux et amaigri du Guadalquivir. Les Cordouans les plus fortunés, et même ceux qui l'étaient moins, avaient fui en nombre la vieille ville brûlante. La canicule ne gênait pas Abdelkrim. Elle lui rappelait sa terre natale, l'Algérie du Sud, toujours soumise à l'accablement d'un soleil impérieux et définitif, plus étincelant et tranchant que la lame effilée d'une dague.
  Abdelkrim était un jeune homme tout juste âgé de trente ans, étudiant en art mozarabe, installé à Cordoue pour y suivre quelques cours et achever la rédaction d'un hypothétique mémoire sur le thème "Musique et architecture", dans lequel il voulait avérer l'influence des nûbât (1) sur les deux dernières phases d'agrandissement de la grande mosquée cordouane ; à leur terme, sous le règne d'Al-Hakam II, à la tête du vaste et puissant califat de Cordoue, elle devint, impressionnante et fascinante avec presque un millier de colonnes,

  (1) nouba en français, un bon exemple d'avilissement linguistique d'un mot d'origine étrangère : les dictionnaires, même des plus sérieux, offrent une étymologie remontant seulement au XIXe siècle ; par ailleurs, il n'est question dans les articles que de musique militaire algérienne ou nord-africaine (pour tirailleurs...) mais aussi, en langage familier, d'un synonyme de fête, noce ou bamboula !

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