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Yannick CHAUMETTE - Yann ZANELLA



CHAUMETTE, Yannick, ZANELLA, Yann, Premier et dernier au feu – Septembre 1939-juin 1940 : de la mobilisation à la capture – Périple du 63e Groupe de Reconnaissance de Division d’Infanterie dans la France en guerre, Miramas : Yannick Chaumette & Yann Zanella éditeurs, 2015, 210 p.


Voir page consacrée à la deuxième édition de l'ouvrage.


chaumettechaumette

Pour commander : <63egrdi@laposte.net>



                C’est d’un ouvrage composé à quatre mains dont il va être question ici, et qui met en scène le 63e Groupe de Reconnaissance de Division d’Infanterie (63e GRDI) depuis la mobilisation de 1939 jusqu’à sa dissolution en 1940.

                Comme le soulignent les auteurs, ce que les historiens ont qualifié de « drôle de guerre » ne fut pas drôle pour tous ces soldats soudain mobilisés et jetés dans une guerre pour laquelle la plupart n’avait reçu aucune formation : « […] Pas de “drôle de guerre” pour les hommes du 63e GRDI, au sens où on l’entend habituellement : pas d’attente interminable pendant laquelle on ne sait comment tromper son ennui. […] Les hommes des groupes de reconnaissance ont plongé dans le tourbillon des combats dès leur montée en ligne, en octobre 1939. Ils ont connu la guerre dès le début. » (p. 175)

                Mais, quand bien même le sigle ait été explicité, cela ne dit presque rien au public (dont je fais partie) peu familier de la chose militaire. Il s’agit donc d’une unité « de composition hybride puisqu’elle est formée d’un escadron à cheval et de trois escadrons motorisés [p. 9]. Unité de série B […], elle est constituée principalement de réservistes assez âgés, à l’exception de certains officiers » (p.10).

                L’ouvrage narre la vie et la fin de cette unité. J’ai personnellement apprécié le fait que les auteurs injectent tout au long de leur livre des anecdotes recueillies auprès de témoins. Ainsi,

 

à Caen, le lieutenant Claude Hettier de Boislambert est chargé d’organiser son peloton à cheval […]. Il rapporte que les cavaliers qui lui arrivent sont des cultivateurs ou des ouvriers agricoles de la région qui appartiennent aux classes 1926-1930 [et] n’ont pour la plupart d’entre eux reçu aucune instruction militaire depuis leur service. [Par ailleurs], ils arrivent au centre mobilisateur passablement avinés. Mais le lieutenant se rassure bien vite : leur bonne volonté est évidente car ces hommes sont Normands, donc forcément de braves gens ! (p. 4)

 
                Ces anecdotes donnent de la chair et une âme à cet ouvrage historique remarquablement documenté et référencé. L’historien trouvera satisfaction tout autant que le lecteur lambda.

                Les auteurs, en détaillant presque au jour le jour la vie terrible des hommes de ce groupe de reconnaissance, font comprendre au lecteur, de l’intérieur, pourquoi les armées françaises furent si rapidement défaites par les armées allemandes, beaucoup mieux préparées mais aussi équipées. Outre la mobilisation qui vit, entre autres, arriver nombre de soldats réservistes et des jeunes qui n’avaient pas reçu d’instruction militaire, la réquisition de matériels divers (véhicules, motos…) pose des problèmes, souvent à cause de leur vétusté. S’il n’y avait que le matériel ! Il y a aussi un problème majeur pour les détachements à cheval. Ainsi, « les chevaux de réquisition amenés par les fermiers des environs […] sont en grande partie des bêtes de labour qui n’ont pas l’habitude d’être sellées. […] Les cultivateurs ayant l’habitude des attelages conduiront les voitures porte-mitrailleuses, auxquelles auront été attelés les plus lourds chevaux ». (pp. 11-12) Lorsque le commandant Oudar passe en revue l’escadron à cheval, « le désastre éclate alors dans toute son ampleur : la moitié des hommes ne parvient pas à se mettre en selle, dont bon nombre tournent sous le ventre des bêtes » (p. 13). Il faut aussi évoquer le cantonnement des cavaliers qui a lieu « chez l’habitant, dont les locaux sont réquisitionnés [ce qui] devient la règle » (p. 19).

                En septembre 1939, le 63e GRDI, « avec les renforts récemment arrivés, compte maintenant plus de 650 hommes » (p. 20). Le père de Yannick Chaumette[1], le brigadier Georges Chaumette, « rejoint [le 63e] le 27 septembre » (Ib.). Cependant, la mobilisation fut globalement achevée vers le 18 septembre (rappelons que la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne a eu lieu le 3 septembre).

                Dès le mois d’octobre, les 16 et 17, le 63e GRDI « doit […] s’avancer vers la ligne de contact ». (p. 25) Alors, des accrochages entre les deux armées ennemies ont bien lieu mais « finalement, la grande offensive n’a pas lieu et l’attaque a été portée par les effectifs d’environ un bataillon. D’ailleurs, il serait plus correct de parler d’infiltrations que de réelle attaque, même si devant Sierck [Sierck-les-Bains, Moselle], l’affrontement a été sérieux » (p. 28). Dans les jours qui suivent, « les hommes sont désormais sur le qui-vive car les prises de contacts avec l’ennemi sont quasi quotidiennes » (p. 31). Par ailleurs, ils doivent faire face à l’automne lorrain qui, cette année-là, se montre particulièrement exécrable.

                À partir de la fin octobre, face à la grogne et à l’épuisement, l’état-major est contraint de mettre en place des relèves. Les mouvements de troupes et les relèves font l’objet du chapitre 3. Les auteurs font part de la nécessité des relèves pour les hommes : « Depuis quasiment un mois, leurs ressources physiques et psychologiques ont été durement secouées : nuits sans sommeil, attaques et contre-attaques incessantes, pluie, boue, froid et neige, travaux de protection effectués à découvert, pénurie d’effets de rechange… » (p. 46) Heureusement pour les hommes, « les permissions sont rétablies depuis le 1er novembre » (p. 49).

                On peut écrire que le pessimisme s’empare des Français et de leur armée. Dans un rapport du 28/11/1939, le commandant Oudar pointe « les faiblesses du Groupe face à un ennemi beaucoup mieux préparé. Certaines sont développées de façon explicite : l’armement, l’équipement, les conditions d’intervention, les positions occupées par les Allemands, dominantes pour la plupart […] » (pp. 51-52).

                Alors qu’ « ordres et contre-ordres s’enchaînent » (p. 53), « chez les cavaliers qui restent en ligne, on peut, par moments, avoir l’illusion d’une sorte de normalité retrouvée : le calme qui règne près de la frontière sud-est du Luxembourg et Noël qui approche semblent laisser penser que le danger se tient à distance » (p. 54). Les tapis de neige renforcent cette impression ouatée. Alors que l’on approche du nouvel an, « il n’est pas rare que [les températures] se rapprochent des -20 degrés, rendant les divers travaux délicats et pénibles, quelquefois impossibles » (p. 56).

                Le grand froid perdure en ce mois de janvier 1940 et « l’état sanitaire de la troupe se dégrade par manque de vêtements adaptés et par l’impossibilité de maintenir une hygiène corporelle minimale, la typhose équine décime les rangs des chevaux, et pourtant, il faut creuser, creuser encore, de nouveaux abris, poser de nouveaux réseaux de fils de barbelés, établir des observatoires » (p. 60).

                Le froid glacial qui se poursuit en février, s’il ralentit les manœuvres, n’arrête pas la guerre. En prévision de l’invasion du Luxembourg par l’Allemagne, le dispositif français est définitivement arrêté début mars. Heureusement, le printemps arrive et rend la vie des soldats moins pénible, même s’il y a beaucoup à redire sur leurs conditions de vie ; « les cavaliers sont bien conscients que l’ennemi ne va pas laisser passer l’occasion que lui donne ce retour de conditions propices aux opérations militaires » (p. 74).

                Le 10 mai, les Allemands envahissent le Luxembourg et le 63e est envoyé dès l’aube au devant des éléments précurseurs allemands qu’il combat toute la journée. Mais la confusion, les erreurs et ordres contradictoires de l’état-major obligent les cavaliers à se retirer, sur ordre, au soir de ce même jour, des positions pourtant chèrement conquises (chapitre 4). La situation se dégrade et, en juin 1940,

 

[elle] n’est rien moins que catastrophique. Les unités françaises, malgré les résistances acharnées et meurtrières, subissent des pertes considérables. Les villes tombent les unes après les autres […]. Le 12 juin, le gouvernement de Paul Reynaud quitte Paris pour Bordeaux et déclare la capitale ville ouverte… le même jour, le général Weygrand […] donne l’ordre à l’armée de battre en retraite (p. 115).

 
               
Nous connaissons tous la suite de l’histoire. L’armistice est signé le 22 juin à Rethondes. Mais déjà, le 18, une autre voix, si peu entendue ce jour-là, s’élève depuis le Royaume-Uni, appelant à poursuivre le combat.

                Face à la supériorité de l’armée allemande, le 63e GRDI est contraint à un repli entre les 13 et 18 juin : le Groupe est alors chargé de protéger les états-majors et leurs unités retraitantes (« Il ne s’agit pas vraiment d’une retraite, mais plutôt d’un sauve-qui-peut. », p. 148) et de ralentir la marche irrésistible des unités allemandes. Puis, « l’étau n’en finit pas de se resserrer autour des derniers combattants du 63e GRDI » (p. 152). Enfin, « le 18 juin 1940 au matin, la 3e DIM dépose les armes et, avec elle, le groupe de cavaliers des escadrons motorisés du 63e GRDI […] » (p. 158). Le 23 juin, « le GRDI a cessé de vivre » (p. 194) mais « la dissolution officielle du 63e GRDI est effective le 8 août 1940 » (p. 166).

                Après les convois de civils, ce sont les convois de prisonniers français qui, à leur tour, arpentent tristement les routes de France. Ils sont dirigés vers des camps, triés puis affectés à d’autres camps provisoires. Le père de Yannick Chaumette est fait prisonnier et déporté en Allemagne. Mais c’est une autre histoire que l’on peut lire sur le site référencé en amont.

                On ne referme pas tout de suite le livre après en avoir terminé la lecture. On revient notamment sur l’abondante iconographie, les cartes originales et les nombreuses photos proposées par les auteurs. Il faut ajouter que le livre (bel objet d’un format 21x29,7 sur papier glacé) comporte de nombreuses annexes dont la liste complète des officiers et soldats du 63e GRDI ainsi que, quand les recherches des auteurs l’ont permis, leur statut après la dissolution du régiment (les tués, bien sûr, mais aussi les Stalags ou les Oflags auxquels ils furent affectés).

                Pour conclure, félicitons-nous d’avoir dans notre bibliothèque cet ouvrage qui trouve pleinement sa place parmi les nombreux ouvrages sur la Seconde Guerre mondiale. Merci aux auteurs !

 

Patrick POGNANT (avril 2016)


[1] Vous pouvez découvrir la biographie de Georges Chaumette, agrémentée de nombreux documents iconographiques, sur la page web suivante : < http://ppognant.online.fr/chaumette.html>.



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