Amimo (extrait)
Je suis heureux de saluer dans cette rubrique Jacques Bertin, un auteur-compositeur-interprète rare. Je l'ai découvert en 1967, lors de la parution de son premier album, Grand Prix de l'Académie Charles Cros, un premier disque où, parmi douze chansons, il avait mis en musique un court poème d'Aragon : Les Ponts de Cé. Malgré son physique avantageux, son beau timbre de voix, la qualité exceptionnelle de son écriture, malgré les lauriers académiques et l'enthousiasme de Luc Bérimont ("... le fils de Brel est ici. Non pas son imitateur, son dauphin! Celui qui le prolonge"), le show-business n'a définitivement pas voulu de ce garçon de vingt ans qui faisait chanter ses mots et ses couleurs sur de simples accords de guitare. Jacques Bertin le lui a bien rendu en suivant sa route hors des sentiers battus. C'est que Bertin a un public, qui achète ses disques, va à ses récitals, depuis plus de vingt ans. J'en fais partie...
J'aime avant tout chez Bertin son écriture, exigeante, précise et insolite, plus proche - pardon Luc Bérimont - de celle de Ferré que de celle de Brel (dans son disque enregistré en public, Bertin interprète d'ailleurs quatre chansons de Ferré dont une de ses toutes premières, peu connue, magnifique, Le bateau espagnol : hommage raffiné d'un artiste à un maître ?). Jacques Bertin a le don de nous transmettre avec élégance, en peu de mots, un climat, un regard sur des choses de la vie parfois insignifiantes, parfois dramatiques ou intimes. J'aime beaucoup ses premières chansons, gonflées de sève et d'espoir, à la fois tendres, impatientes et gourmandes.
Corentin (1967)
Les disques suivants ont perdu la fraîcheur des deux premiers mais ont gagné en qualité musicale d'une part et en qualité d'écriture d'autre part. Jacques est devenu Bertin. Il s'est fait plus dur, voire plus violent.
Dure à passer (1975)
Il engage certaines chansons contre l'injustice, la souffrance et la bêtise humaines. Mais je le préfère dans un registre plus poétique, quand il chante la difficulté ou le bonheur de vivre, ou que l'idée de mort vient le taquiner.
Les grands départs (1984)
J'aime aussi sa manière de mettre un décor dans ses chansons, en arrière plan, comme dans un film. Il s'agit souvent d'un paysage, breton ou ligérien.
La non-supplique (1968)
Et encore :
Passer l'hiver (1992)
Toute la discographie laser de Jacques Bertin est éditée par les Disques Velen, à Nantes, et distribuée par Scalen Disc à Toulouse. A ce jour, on peut trouver trois disques, en général dans les bacs des grands disquaires type Fnac :
Fête étrange (V003) : une généreuse compilation de 25 titres (1970-1984) ; Café de la Danse 1989 (V001) : un copieux récital en public de 19 titres ; Le poids des roses (V002) : son dernier disque (1992), avec 12 titres.
Par contre, les deux premiers disques
(1967-1968) réunis sur un compact de 71 minutes (Velen
004 Intégrale Volume 1) font l'objet, selon le voeu de
l'auteur, d'une diffusion privée, "réservée
aux amis" car il n'aimerait pas "qu'un passant
tombe par hasard sur un de ces titres parfois si imparfaits, si
jeunes, et (...) s'exclame : C'est donc ça Bertin !".
Quel regard intransigeant porté par un artiste sur son
oeuvre (à l'instar de Gérard Manset, un autre artiste
rare, qui n'a reporté sur disque laser qu'une partie de
son catalogue) ! Et dans quelle situation me suis-je mis de faire
la promotion d'un disque (qui contient plusieurs morceaux d'anthologie)
dont l'auteur ne souhaite qu'une diffusion confidentielle ! Et
si vous vous trompiez Monsieur Bertin ? Dans le doute, me pardonnerez-vous
de conseiller au lecteur de passer commande de ce disque chez
Velen, en se faisant passer pour un ami ? Quand on vous a écouté,
ne devenez-vous pas un peu notre ami ? Il y a tant de beauté
et de ferveur en vous.
Patrick Pognant (1993)
Lire également article de PP du 25/09/2002
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