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CRIS SANS THEME

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Les corridors recommencés (extrait)

 

La ville à la dérive

 

les abeilles en plastique cul ouvert
pondaient du miel en flaques depuis des heures
lave tiède dans les ruisseaux

toutes les portes de la ville geignent

le béton glisse sur les fenêtres

le macadam se ride

les lampadaires se tordent

les drapeaux saignent

les fleurs se cassent

les mouches hurlent

un crabe applaudit

les bébés aboient

les animaux réincarnés dans leurs fourrures
bouffent les catins trop frileuses

les livres se vident de leurs alphabets

le pape s'enfuit sur une Susuki
et Charles Trénet se cache
dans l'arrosoir de son jardinier

en cette nuit de pleine lune
les bovins sablent le champagne à la Villette
dans les couloirs de la Cité des Sciences vaincue

le cardinal s'en fout
il masturbe avec frénésie son vicaire
couché sur une musique profane

les sapeurs pompiers pompent le miel
qui remplit le métro

les employés de la RATP
collent les étiquettes sur les pots
et on expédie ça aux pays sous-développés
avec nos lampadaires tordus

les aspirateurs expirent
tout ce qu'ils ont aspiré
depuis le Front Populaire

un serrurier récupère les clés des partitions
en se disant "ça pourra toujours servir..."

les bénitiers sont remplis de Coca Cola
et le hash se consume dans l'encensoir

les bas se filent

les boutons tombent

les fermetures Eclair coulissent

la tramontane souffle sur les citadins
elle arrache leurs chevelures
qui s'engouffrent dans la gorge de la cantatrice

les voitures s'effilent puis s'éclatent
aux lèvres des auto-stoppeurs

des dames pipi meurent en mouche

soudain la nuit totale

stroboscopes géants

spots

flashes

la ville grésille

sirènes hystériques

les orgues

le Palais Royal déplie
sa nuit de colonnades et de lanternes

les corps se figent

ville immobile

un homme unijambe et sardonique
descend d'un bateau ivre

il inscrit sur les livres dépeuplés


the end

(1980)

Les corridors recommencés

Autres textes :

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