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Plus de détails sur le Stalag XI A de Altengrabau
Nous sommes affectés au Stalag XI A, à
Altengrabau. Après quinze jours de stage, nous partons
pour les commandos de travail. Par manque de chance, le 15 septembre,
je suis affecté à une mine de sel, à Stassfurt
Leopoldshall (voir photo
de groupe : photo mise en ligne le 11/10/2003) où je
resterai jusqu'à la fin décembre 1941 ! Le travail
y est particulièrement éprouvant. Dix heures par
jour, je dois pelleter le sel dans des wagonnets.
Là, séparé de mes camarades de régiment,
je me fais de nouveaux copains. Nous nous livrons à des
opérations de sabotage avec les moyens du bord. Un dimanche
matin, un de nos gardiens demande des volontaires pour aller faire
le jardin du contremaître. Pour ne pas avoir d'histoire
avec les Allemands, je fais partie des quatre volontaires. Le
dimanche suivant, nous y retournons. Alors que nous travaillons
depuis une bonne heure, le contremaître nous appelle et
nous demande de rentrer chez lui. A notre grande surprise, la
table est mise dans sa salle à manger avec une nappe, des
couverts... Il nous prie de nous asseoir et nous offre un copieux
petit déjeuner avec des saucisses, du pain, et autres gourmandises.
Il nous gâte comme nous ne l'avons pas été
depuis bien longtemps... Dans la conversation, il nous explique
qu'il est social-démocrate. Il est obligé de faire
partie du parti nazi sinon, il partirait sur le front russe. Ça
ne l'avancerait à rien. Au moins, il peut garder sa place,
rester chez lui... Nous sommes dans l'ignorance de ce qui ce passe
en France.
Dans la mine de sel, nous travaillons avec des Allemands
qui sont hostiles au régime. Je travaille notamment avec
l'un d'eux qui me dit tout le temps "Doucement ! Doucement
!". Nous ne pouvons pas travailler plus lentement que nous
le faisons. A la fin, il en devient casse-pied de toujours me
répéter d'aller plus doucement... Un de ces Allemands
est sourd comme un pot et n'arrête pas de vociférer
haut et fort (à cause de sa surdité !) contre Hitler
et le régime. Ses compatriotes ne savent jamais comment
le faire taire en le prévenant qu'il va finir par se faire
arrêter (à cette époque, si les prothèses
auditives n'existaient pas, les arrestations d'Allemands hostiles
au régime étaient monnaie courante...). L'hiver
semble ne jamais finir et le travail à la mine de sel est
notre lot quotidien...
Nous sommes au printemps 1941. Pour échapper au travail, un Allemand me conseille de fumer de l'aspirine, ce qui provoque une tachycardie sans conséquence. Je réfléchis à la question. Bien que peu confiant du caractère inoffensif du procédé, je finis par passer à l'action à l'automne. J'écrase des cachets d'aspirine dans le tabac et je fume. Je prends ensuite mes pulsations et, effectivement, je constate que mon cœur bat à 110, 120, 125 même. Alors, je me fais porter malade. Le docteur allemand m'ausculte et me dit que j'ai le cœur fatigué. Il me prescrit huit jours d'infirmerie. Je continue à fumer de l'aspirine. Voyant que mes symptômes perdurent, le médecin m'envoie en consultation au camp où un médecin prisonnier français m'ausculte. Mon compatriote me demande ce que j'ai. Je lui explique que c'est mon travail dans les mines de sel. Il me dit d'arrêter de lui raconter des bêtises et de me dire vraiment ce que j'ai fait pour avoir ces battements de cœur. Je lui avoue la vérité. Il me dit alors qu'il va me mettre à l'infirmerie et que je n'aurai plus besoin de fumer de l'aspirine sauf quand il me le demandera.