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Janvier 1942 - mars 1942 : prisonnier de guerre en Allemagne ; l'hôpital du Stalag XI A

Plus de détails sur le Stalag XI A de Altengrabau

  Me voilà donc à l'hôpital du Stalag XI A, le grand camp. Nous sommes le 3 janvier 1942. Ce n'est pas un hôpital mais une véritable cour des miracles... Je me souviens de quelques personnages. Ainsi, pour soulager son prurit, un fleuriste qui a attrapé l'eczéma des fleuristes (provoqué par le pollen des fleurs) frotte avec un morceau de couverture une vilaine plaie à la jambe provoquée par les démangeaisons. Un autre gratte ses hémorroïdes avec une brosse à dents ! Un instituteur marseillais est ni plus ni moins fou. A moins qu'il ne joue au fou. Nous n'avons jamais pu savoir la vérité... Une épidémie de typhus se déclare dans le camp et à l'hôpital. Les Allemands nous font brûler toutes nos paillasses. Les vêtements et les couvertures sont passés à l'étuve.
  À proximité du Stalag, il y a un camp russe. Tous les jours à l'hôpital, on amène des Russes (il en meurt une cinquantaine chaque jour). On assiste à ce spectacle lamentable : les Russes morts sont déshabillés par d'autres Russes et entassés sur une charrette. Ils sont ensuite jetés dans une fausse commune que les Allemands recouvrent de chaux vive.
  Le taux de mortalité est beaucoup plus élevé chez les Russes à cause de leur sous-alimentation, un euphémisme ! Ils crèvent littéra-lement de faim. Nous, nous avons la chance de recevoir encore des colis de chez nous. Puis, comme nous travaillons, on se débrouille. Certains ramènent des pommes de terre, d'autres volent du pain... D'ailleurs, on vole tout ce que nous pouvons voler et c'est pourquoi nous parvenons à subsister. Les Russes n'ont pas notre chance. Par ailleurs, la répression de la part des Allemands est beaucoup plus forte sur les Russes que sur les autres. Ainsi, j'ai vu un jour un Russe ramasser par terre un mégot de cigarette. Il s'est fait froidement descendre par un soldat allemand ! Il n'aurait jamais abattu un Français de cette manière. Les Allemands considéraient les Russes comme des sous-êtres. Au début, nous sommes très choqués puis peu à peu, cela fait partie de notre réalité.
  Il est clair qu'à l'infirmerie, sous la protection d'un médecin, je suis une sorte de privilégié. Il faut dire que les médecins sont formidables et protègent tous les prisonniers, dans la limite de leurs possibilités. Un beau jour, mon médecin m'avertit que le médecin chef français va me présenter au médecin chef allemand pour que je sois reconnu inapte au travail. Le jour arrive... On comprendra que - avec la bénédiction de mon médecin - j'ai fumé de l'aspirine et que je présente des symptômes cardiaques... Le médecin chef français me défend donc devant le médecin chef allemand qui prononce "D.U." (initiales allemandes qui signifient "inapte au travail"). Grande est ma joie intérieure. Je me vois déjà rentrer en France !
  Effectivement, je quitte les commandos et rejoins le camp. On nous parque à deux mille pour former un convoi d'inaptes au travail renvoyés en France. Malheureusement, il y a sans doute eu un coup dur entre le régime de Vichy et les Allemands (nous n'avons que très peu de nouvelles) car les deux mille inaptes sont remis au travail ! J'ai fumé de l'aspirine pour rien... Je demeure au camp et reste en contact avec les médecins français de l'hôpital, séparé du camp par un simple barbelé. Là, nous faisons beaucoup de sport. Je fais partie de l'équipe militaire de football du camp.
  Un jour, en me promenant dans le camp, je retrouve mon ami d'enfance Jacques Cantrelle, un Dieppois, en compagnie d'un autre Dieppois, Jean Derny que je connaissais de vue (et qui deviendra par la suite mon cousin par alliance...). Je me débrouille pour être placé dans la chambrée de Jacques et à partir de là, nous, les trois Dieppois (voir photo mise en ligne le 11/10/2003), restons toujours ensemble.

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